IP case law Court of Justice

Order of 17 Jul 2023, C-94/23 (Puma v EUIPO), ECLI:EU:C:2023:598.



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

17 juillet 2023 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande d’admission ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-94/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 février 2023,

Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Mes M. Schunke et P. Trieb, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Vaillant GmbH, établie à Remscheid (Allemagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. D. Gratsias et M. Ilešič (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme L. Medina, entendue,                                                            

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Puma SE demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 décembre 2022, Puma/EUIPO – Vaillant (Puma), (T-623/21, EU:T:2022:776, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 8 juillet 2021 (affaire R 1875/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre Puma SE et Vaillant GmbH.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que le moyen unique de son pourvoi, tiré, en substance, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu la circonstance que le public concerné associe toujours, dans son esprit, les marques en conflit lorsque, d’une part, la marque antérieure est une marque jouissant d’une renommée exceptionnelle auprès de la population générale et que, d’autre part, les signes sont très similaires ou identiques. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas respecté l’objectif de protection poursuivi par l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, imposant d’accorder une protection accrue aux marques jouissant d’une renommée exceptionnelle.

8        Dans l’intérêt de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union, il serait nécessaire que la Cour précise que la protection de marques jouissant d’une renommée exceptionnellement élevée, à l’instar de la marque invoquée à l’appui de l’opposition, ne saurait être refusée face à des enregistrements identiques ou très similaires en raison du degré de dissemblance des produits ou des services, voire de l’absence de lien entre les produits et les services.

9        En deuxième lieu, la requérante soutient que le Tribunal a appliqué de manière erronée la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation (C-252/07, EU:C:2008:655), dans lequel la Cour aurait jugé que certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits ou les services pour lesquels ces marques ont été enregistrées. Dans une telle hypothèse, il serait possible que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu’il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée.

10      Plus précisément, la requérante fait valoir que la conclusion du Tribunal selon laquelle les conditions énoncées par la Cour aux points 51 et 52 de cet arrêt étaient remplies, ne saurait être démentie par la constatation générale figurant au point 49 dudit arrêt. Ainsi, selon la requérante, si l’approche suivie par le Tribunal était correcte, les titulaires de marques ne seraient pas incités à investir en vue d’acquérir une renommée exceptionnellement élevée.

11      En troisième lieu, la requérante allègue que le Tribunal n’étaye pas sa position selon laquelle l’existence d’un lien mental entre les marques est « hautement improbable ». En revanche, il reprocherait à la requérante de ne pas avoir démontré l’existence d’un tel lien, alors que ce dernier serait assez évident dans le cas de signes quasi identiques et d’une marque antérieure jouissant d’une renommée exceptionnelle. Dans un tel cas, l’existence d’un lien entre les produits ou les services en conflit ne serait pas nécessaire aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Par conséquent, selon la requérante, il ne peut être exigé du titulaire d’une telle marque qu’il apporte la preuve de l’existence d’un lien de cette nature. En outre, le Tribunal n’aurait pas défini de critères compréhensibles permettant aux titulaires de marques jouissant d’une renommée exceptionnelle de prévenir effectivement la dilution de leurs marques.

12      À cet égard, dans l’intérêt de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union, la requérante demande à la Cour de préciser, d’une part, que, dans le cas d’une marque jouissant d’une renommée exceptionnelle auprès du grand public et de signes identiques ou très similaires, il existe un lien mental même en l’absence de lien entre les produits ou les services en conflit et, d’autre part, que dans de tels cas, il n’est pas possible ou nécessaire d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de cette nature. À défaut, la Cour devrait énoncer des critères clairs permettant de déterminer la manière dont une telle preuve pourrait être apportée lorsque n’est requis aucun lien entre les produits et services concernés et encore moins une similitude entre ceux-ci.

13      En outre, la requérante demande à la Cour de préciser que ni l’absence de similitude entre les produits ou les services ni l’absence de rapport entre ceux-ci ne sauraient fonder l’absence de lien mental dans l’esprit du public entre des marques jouissant d’une renommée exceptionnelle auprès du grand public et des marques identiques ou très similaires, étant donné que de telles marques sont reconnues et reviennent donc en mémoire dans tout contexte commercial.

14      En quatrième et dernier lieu, la requérante fait valoir que le Tribunal méconnaît la réalité du marché, consistant dans la coopération entre entrepreneurs de secteurs différents, et affirme, sans l’étayer, que l’existence d’un lien mental est « improbable ». En effet, le Tribunal aurait dû motiver plus précisément la raison pour laquelle l’existence d’un lien mental est qualifiée comme telle. Se contenter de renvoyer à l’absence de lien entre les produits ou les services ne saurait suffire à cet égard lorsqu’un tel lien, voire une similitude entre les produits ou les services, n’est justement pas nécessaire.

 Appréciation de la Cour

15      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).

16      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 16 novembre 2022, EUIPO/Nowhere, C-337/22 P, EU:C:2022:908, point 24).

17      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).

18      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et du 11 mai 2023, Heinze/L’Oréal et EUIPO, C-15/23 P, EU:C:2023:407, point 17).

19      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments résumés aux points 7 à 13 de la présente ordonnance, il importe de relever que, bien que la partie requérante identifie l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, elle n’explique pas, à suffisance de droit, ni, a fortiori, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 17 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, qui justifierait l’admission du pourvoi.

20      En effet, la requérante doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnance du 8 novembre 2022, Mandelay/EUIPO, C-405/22 P, EU:C:2022:860, point 17 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, les simples allégations de la requérante selon lesquelles, en raison de prétendues erreurs commises par le Tribunal, il serait nécessaire, dans l’intérêt de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union, que la Cour apporte, en substance, certaines précisions quant à l’étendue de la protection de marques jouissant d’une renommée exceptionnellement élevée sont manifestement trop générales pour constituer une telle démonstration.

22      En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation évoquée au point 14 de la présente ordonnance, force est de constater que, par une telle argumentation, la requérante vise, en substance, à reprocher au Tribunal d’avoir manqué à son obligation de motivation en ce que ce dernier n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles il devait être considéré que l’existence d’un lien mental entre, d’une part, une marque jouissant d’une renommée exceptionnelle auprès du grand public et, d’autre part, une marque identique ou très similaire à celle-ci, était « improbable ».

23      À cet égard, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 17 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 3 décembre 2020, Dermavita/EUIPO, C-400/20 P, EU:C:2020:997, point 19 et jurisprudence citée). Or, la requérante ne fournit pas les raisons pour lesquelles le défaut de motivation de l’arrêt attaqué qu’elle allègue soulève une telle question.

24      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

Sur les dépens

26      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

27      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Puma SE supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’allemand.



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