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Order of 18 Mar 2021, C-667/20 (Laboratorios Ern v EUIPO), ECLI:EU:C:2021:223.



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

18 mars 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois –– Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-667/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 décembre 2020,

Laboratorios Ern, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes T. González Martínez et R. Guerras Mazón, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

SBS Bilimsel Bio Çözümler Sanayi Ve Ticaret AŞ, établie à Istanbul (Turquie),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. N. Wahl et F. Biltgen (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. J. Richard de la Tour, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Laboratorios Ern,  SA, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal) (T-51/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:468), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 novembre 2018 (affaire R 1725/2017-4), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Ern et SBS Bilimsel Bio Çözümler Sanayi Ve Ticaret.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les deux moyens invoqués par le pourvoi soulèvent une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, qui repose sur deux erreurs de droit tirées d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), la requérante fait valoir, d’une part, que le Tribunal a dénaturé les faits lors de l’examen de la similitude entre les produits visés par la marque demandée et les produits couverts par la marque antérieure, et, d’autre part, qu’il a écarté, à tort, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 au motif que les produits en conflit n’étaient pas similaires. Ce faisant, le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence constante issue, notamment, de l’arrêt du Tribunal, du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO) (T-325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 71), ainsi que, par analogie, des arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL (C-251/95, EU:C:1997:528, point 22), du 29 septembre 1998, Canon (C-39/97, EU:C:1998:442, point 16), et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C-342/97, EU:C:1999:323, point 18).

8        La requérante estime que l’interprétation des règles du droit de l’Union sur laquelle se fonde le Tribunal dans l’arrêt attaqué est en contradiction avec la règle établie par ladite jurisprudence constante selon laquelle, dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le risque de confusion doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, conformément au principe de l’interdépendance. À cet égard, elle soutient que ce revirement de jurisprudence constitue une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, qui dépasse le cadre de cette affaire, et qu’il est opportun que la Cour dissipe tout doute éventuel quant aux critères d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

9        Par son second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, la requérante fait valoir, d’une part, que le Tribunal a commis une dénaturation des faits lors de la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit, et, d’autre part, qu’il a omis, à tort, d’appliquer cette disposition pour cause d’absence de lien entre ces marques.

10      À l’appui de son argumentation, la requérante cite les arrêts du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS) (T-67/04, EU:T:2005:179, point 41), du 10 mai 2007, Antartica/OHMI – Nasdaq Stock Market (nasdaq) (T-47/06, non publié, EU:T:2007:131, point 53), et du 29 mars 2012, You-Q/OHMI – Apple Corps (BEATLE) (T-369/10, non publié, EU:T:2012:177, point 46), ainsi que, par analogie, les arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux (C-408/01, EU:C:2003:582, points 29, 30 et 38), et du 27 novembre 2008, Intel Corporation (C-252/07, EU:C:2008:655, points 30, 41, 57, 58 et 66). En vertu de cette jurisprudence, il conviendrait, afin de déterminer l’existence d’un « lien », au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, entre la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure renommée, de procéder à une appréciation globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait tenu compte que de la dissemblance existant entre les marques en conflit.

11      Par ailleurs, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu la jurisprudence constante selon laquelle le degré de similitude requis par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 est différent de celui exigé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Dans ce contexte, elle cite, à titre d’exemple, l’arrêt de la Cour du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI (C-552/09 P, EU:C:2011:177, points 65 et 66), en vertu duquel il conviendrait, même en cas de faible similitude, de procéder à une appréciation globale afin de déterminer l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent en raison de la présence d’autres facteurs pertinents, tels que la notoriété ou la renommée de la marque antérieure.

12      À nouveau, la requérante estime qu’il serait opportun que la Cour dissipe tout doute éventuel en fixant un critère non équivoque s’agissant de la question de savoir si, pour appliquer l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, il est permis de s’affranchir de l’appréciation globale de tous les facteurs pertinents lorsque ces marques présentent des similitudes faibles.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C-199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      Une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, il importe de constater, en premier lieu, que même si la demande d’admission de la requérante énonce les différentes erreurs de droit soulevées par les deux moyens du pourvoi, elle ne démontre pas l’importance respective de ces erreurs de droit pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Ainsi qu’il ressort du point 14 de la présente ordonnance, étant donné que dans le cadre du mécanisme d’admission préalable des pourvois, le contrôle de la Cour est limité aux seules questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens ou les branches de moyens soulevant de telles questions peuvent être examinés par la Cour.

18      En deuxième lieu, et dans la mesure où l’argumentation visée aux points 7 et 9 de la présente ordonnance se réfère, pour certaines branches des deux moyens, à de prétendues dénaturations des faits commises par le Tribunal dans le cadre de la comparaison des marques en conflit, il convient de relever qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 29 octobre 2020, Peek & Cloppenburg/EUIPO, C-309/20 P, non publiée, EU:C:2020:879, point 21 et jurisprudence citée).

19      S’agissant, en troisième lieu, de l’argumentation visée aux points 7, 8 et 10 à 12 de la présente ordonnance, par laquelle la requérante soutient que les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal résultent de la violation tant de sa propre jurisprudence que de celle de la Cour, il y a lieu de constater que, d’une part, la requérante n’indique pas de façon claire et précise où se situe la contradiction alléguée. En effet, la requérante se borne à critiquer, de manière générique, l’appréciation opérée par le Tribunal sans indiquer plus précisément les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend remettre en cause.

20      D’autre part, la requérante ne précise pas concrètement en quoi une telle contradiction alléguée soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cet égard, l’affirmation selon laquelle il serait opportun que la Cour dissipe tout doute éventuel en fixant des critères non équivoques, même à la supposer avérée, ne répond pas aux exigences de précision d’une demande en admission d’un pourvoi, la requérante restant toujours tenue de fournir les indications précises sur les raisons pour lesquelles ces questions sont importantes au regard de la cohérence de la jurisprudence. Ainsi, force est de constater que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.

21      En quatrième et dernier lieu, en ce qui concerne les arguments soulevés aux points 7, 8, 10 et 11 de la présente ordonnance qui visent à remettre en cause l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit effectuée par le Tribunal, il importe de relever qu’une telle appréciation constitue une analyse de nature factuelle.

22      Or, des arguments reprochant au Tribunal d’avoir procédé à une appréciation erronée des faits ne suffisent pas pour exposer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 28 mai 2020, Billa/EUIPO, C-61/20 P, non publiée, EU:C:2020:408, point 19 et jurisprudence citée).

23      Par conséquent, il convient de conclure que, la demande d’admission ne respectant pas les exigences énoncées aux points 13 à 16 de la présente ordonnance, elle n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Laboratorios Ern, SA, supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’espagnol.





This case is cited by :
  • C-415/21
  • C-219/21

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