IP case law Court of Justice

Order of 14 Jul 2022, C-247/22 (Ignacio Carrasco v EUIPO), ECLI:EU:C:2022:591.



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

14 juillet 2022(*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-247/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 avril 2022,

Ignacio Carrasco SL, établie à Guijuelo (Espagne), représentée par Me J.L. Donoso Romero, abogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Santos Carrasco Manzano SA, établie à Guijuelo (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président, MM. I. Jarukaitis et M. Ilešič (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. J. Richard de la Tour, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Ignacio Carrasco SL demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 février 2022, Ignacio Carrasco/EUIPO – Santos Carrasco Manzano (La Hoja del Carrasco) (T-209/21, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:90), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 février 2021 (affaire R 175/2020-1), relative à une procédure de nullité entre Santos Carrasco Manzano SA et Ignacio Carrasco SL.

 Sur l’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. À cet égard, elle avance trois arguments qui se rapportent aux trois moyens de son pourvoi, tirés d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en raison de l’appréciation erronée, par le Tribunal, des éléments dominants et distinctifs de la marque contestée, de la similitude des signes en conflit, ainsi que du risque de confusion.

7        En premier lieu, la requérante soutient que le Tribunal n’a pas respecté la jurisprudence résultant de l’arrêt du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe (C-498/07 P, EU:C:2009:503), en ce qu’il n’a pas tenu compte de la façon dont le type de produit oriente la perception du consommateur. De surcroît, le Tribunal aurait fait une application incorrecte de la jurisprudence, issue de l’arrêt du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS) (T-352/02, EU:T:2005:176), portant sur des éléments verbaux d’une marque difficilement lisibles ou non reconnaissables en tant que mot par le consommateur, en ce qu’il ne se serait pas appuyé sur ces hypothèses factuelles dans le cas de la marque contestée La Hoja del Carrasco.

8        En deuxième lieu, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à une analyse d’ensemble dans le cadre de l’appréciation globale de la marque contestée. En particulier, le Tribunal aurait considéré à tort que le mot « carrasco » ressortait davantage dans la marque contestée La Hoja del Carrasco du fait de sa différence visuelle. En effet, le Tribunal aurait divisé en deux un élément à structure unitaire (« La Hoja del Carrasco »), lequel serait distinctif en soi. En outre, il aurait constaté à tort le caractère hautement distinctif de l’élément « carrasco » dans la marque contestée sans déterminer celui de l’élément « La Hoja del. ». Par ailleurs, il aurait mis sur un même plan la structure verbale de la marque antérieure composée de trois éléments hétérogènes, à savoir des initiales, un nom de famille et un lieu géographique, et la structure de la marque contestée, laquelle serait un syntagme nominal unitaire.

9        En troisième lieu, la requérante estime que les conséquences qui en découlent apparaissent pertinentes pour le développement du droit de l’Union. En effet, il existerait un risque de divergence dans la jurisprudence concernant la prise en compte de l’impression d’ensemble produite par le signe, ce qui aurait pour effet d’étendre les droits conférés par la marque antérieure et, ainsi, le monopole de son titulaire. Selon la requérante, son pourvoi constitue une opportunité pour la Cour de se prononcer sur l’importance de prendre en considération l’impression d’ensemble produite par la marque, dans l’hypothèse où le caractère dominant d’un de ses éléments a été établi, sans que les autres éléments n’aient pour autant été considérés comme négligeables. En effet, au regard de la jurisprudence de la Cour résultant, notamment, de l’arrêt du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe (C-498/07 P, EU:C:2009:503), il conviendrait de centrer la comparaison sur la base de l’élément dominant uniquement dans l’hypothèse où les autres composants de la marque seraient négligeables. Ainsi, il incomberait à la Cour de préciser si un élément d’un signe peut ressortir plus qu’un autre, sans toutefois s’en démarquer au point de détourner l’attention du consommateur des autres éléments et, dans ce contexte, de fixer des lignes directrices afin d’éviter la décomposition artificielle ou la dénaturation du signe examiné.

10      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 7 avril 2022, EUIPO/Indo European Foods, C-801/21 P, EU:C:2022:295, point 24 et jurisprudence citée).

11      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 7 avril 2022, EUIPO/Indo European Foods, C-801/21 P, EU:C:2022:295, point 25 et jurisprudence citée).

12      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 7 avril 2022, EUIPO/Indo European Foods, C-801/21 P, EU:C:2022:295, point 26 et jurisprudence citée).

13      Dès lors, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (voir, en ce sens, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 6 mai 2022, Inditex/EUIPO, C-65/22 P, non publiée, EU:C:2022:369, point 14).

14      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée au point 7 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal n’aurait pas appliqué correctement la jurisprudence de la Cour, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission du pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 7 juin 2022, Magic Box Int. Toys/EUIPO, C-194/22 P, non publiée, EU:C:2022:463, point 17 et jurisprudence citée). Or, si la requérante énonce des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle n’identifie pas, contrairement aux exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance, les points des arrêts invoqués à titre de jurisprudence pertinente qui auraient été méconnus. Par ailleurs, elle ne fournit pas non plus d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées (voir, en ce sens, ordonnance du 16 décembre 2021, Innovative Cosmetic Concepts/EUIPO, C-523/21 P, non publiée, EU:C:2021:1033, point 14).

15      En deuxième lieu, concernant les arguments évoqués au point 8 de la présente ordonnance, force est de constater que la requérante cherche à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal dans le cadre de l’examen de la similitude entre les signes en conflit. Or, une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 31 mars 2022, St. Hippolyt/EUIPO, C-762/21 P, non publiée, EU:C:2022:255, point 19 et jurisprudence citée).

16      En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation résumée au point 9 de la présente ordonnance, il importe de relever que la requérante n’explique pas, à suffisance de droit, ni, a fortiori, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, qui justifierait l’admission du pourvoi.

17      En effet, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, la requérante doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Ainsi, cette démonstration implique d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

18      Or, les simples allégations formulées par la requérante selon lesquelles les questions soulevées par le pourvoi donneraient à la Cour l’occasion de fournir des précisions concernant l’appréciation de l’impression d’ensemble produite par le signe étant donné qu’il existe un risque de divergence dans la jurisprudence à cet égard, sans pour autant présenter d’éléments précis permettant d’examiner l’existence d’un tel risque, sont manifestement trop générales pour être de nature à constituer une telle démonstration.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Ignacio Carrasco SL supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’espagnol.





This case is cited by :
  • C-338/22
  • C-500/23

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