IP case law Court of Justice

Order of 10 Jun 2025, C-134/25 (Blue Underwriting Agency v EUIPO)



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

10 juin 2025 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-134/25 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 février 2025,

Blue Underwriting Agency SpA, anciennement Blue Underwriting Agency Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Mes D. De Pasquale et M. Pappalardo, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Blue Assistance SpA, établie à Turin (Italie),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, MM. A. Kumin et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. N. Emiliou, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Blue Underwriting Agency SpA, anciennement Blue Underwriting Agency Srl, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 décembre 2024, Blue Underwriting Agency/EUIPO – Blue Assistance (blue is underwriting) (T-447/23, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:894), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et à la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2023 (affaire R 612/2022-4), relative à une procédure d’opposition entre Blue Assistance SpA et Blue Underwriting Agency Srl.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque deux moyens.

7        Par son premier moyen, divisé en quatre branches, la requérante soutient que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en ce qui concerne l’appréciation de la coexistence paisible des marques en conflit. Elle fait valoir que ce moyen soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

8        À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir, d’une part, que le Tribunal a conclu à tort à l’absence d’identité des marques pour lesquelles la coexistence paisible est invoquée et des marques en conflit et, d’autre part, qu’une marque nationale antérieure de la requérante et la marque faisant l’objet de l’opposition sont substantiellement identiques. La requérante considère que la question de droit soulevée est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union au motif qu’elle dépasse le cadre de ce pourvoi et est susceptible, plus généralement, d’avoir des répercussions sur l’appréciation de l’identité des marques pour établir une coexistence paisible entre les marques dans les procédures d’opposition.

9        En deuxième lieu, la requérante allègue une méconnaissance, par le Tribunal, de sa jurisprudence issue notamment de l’arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE) (T-346/04, EU:T:2005:420, point 64), dans la mesure où, dans l’arrêt attaqué, il n’aurait pas tenu compte du fait que le litige porté devant le Tribunale de Milano (tribunal de Milan, Italie), relatif aux deux marques nationales antérieures de la requérante et à la marque antérieure de Blue Assistance, avait été introduit par cette dernière postérieurement à l’introduction de la procédure d’opposition devant l’EUIPO et plusieurs années après l’enregistrement des marques nationales antérieures de la requérante, vraisemblablement dans le seul but d’empêcher la requérante d’invoquer la coexistence paisible des marques en conflit. À cet égard, la requérante estime que la question de droit soulevée dépasse le cadre de ce pourvoi, en ce qu’une réponse de la Cour apporterait des précisions sur l’importance à attacher à une procédure nationale introduite postérieurement à la procédure devant l’EUIPO, dans le but d’exclure la reconnaissance d’une coexistence paisible des marques en conflit.

10      En troisième lieu, la requérante reproche au Tribunal de n’avoir pas pris en compte le jugement rendu par le Tribunale de Milano (tribunal de Milan), produit par la requérante, bien que celui-ci comporte indubitablement des indications importantes pour conclure à la coexistence paisible des marques en conflit, conformément à la jurisprudence selon laquelle de telles décisions doivent être dûment prises en compte. En outre, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal dans l’arrêt attaqué, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) ne se serait pas borné à constater, dans le jugement en cause, la simple tolérance de Blue Assistance, mais aurait également relevé la coexistence paisible des marques faisant l’objet du litige. Dès lors, selon la requérante, le Tribunal a commis une erreur de méthode dans l’appréciation des éléments de preuve et une clarification de la Cour sur le point de savoir dans quels cas il convient de tenir compte des décisions rendues par les juridictions nationales serait nécessaire dans l’intérêt de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union.

11      En quatrième et dernier lieu, la requérante allègue que le point 96 de l’arrêt attaqué méconnaît la jurisprudence citée au point 91 du même arrêt. En effet, le Tribunal aurait conclu à tort, d’une part, que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve visant à démontrer la coexistence paisible des signes en conflit et, d’autre part, que cette coexistence reposait sur une absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. À cet égard, selon la requérante, la question de droit soulevée par cette erreur dépasse également le cadre de l’arrêt attaqué en ce qu’elle exige que la Cour précise que la preuve de la coexistence des marques fondée sur l’absence de risque de confusion est établie lorsque le titulaire de la marque demandée fournit, au cours de la procédure devant l’EUIPO, des indices attestant que le public pertinent connaissait, sur le territoire pertinent, les marques pour lesquelles la coexistence était invoquée, et ce avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque litigieuse, et du fait que cette coexistence était d’une durée suffisamment longue pour pouvoir influencer la perception de ce public.

12      Par son second moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce qui concerne l’évaluation globale du risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public pertinent italophone.

 Appréciation de la Cour

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 12 ainsi que jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 13 ainsi que jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 14 ainsi que jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de la requérante, exposée aux points 7 à 11 de la présente ordonnance, relative à une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne la coexistence paisible des marques en conflit, il convient, tout d’abord, de constater que la requérante se borne à énoncer des erreurs prétendument commises par le Tribunal, sans identifier tous les points de l’arrêt attaqué qu’elle met en cause.

18      Ensuite, dans la mesure où l’argumentation de la requérante, résumée au point 8 de la présente ordonnance concernant l’identité substantielle entre la marque antérieure nationale de la requérante et la marque faisant l’objet de l’opposition, vise à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal, il importe de rappeler qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 17 octobre 2022, SFD/EUIPO, C-383/22 P, EU:C:2022:799, point 15 et jurisprudence citée).

19      En outre, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante, résumée aux points 9 à 11 de la présente ordonnance, relative, en substance, à la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2024, Transport Werk/EUIPO, C-102/24 P, EU:C:2024:400, point 18 et jurisprudence citée). Or, dans ce cadre, outre le fait que la requérante ne précise pas tous les points contestés de l’arrêt attaqué ni ne fournit d’indication sur la similitude entre, d’une part, la situation faisant l’objet de cet arrêt et, d’autre part, les situations visées dans la jurisprudence qui aurait été méconnue par le Tribunal, elle se contente également de faire valoir la nécessité que la Cour se prononce sur son pourvoi sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles les erreurs alléguées, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Enfin, en ce que, dans le cadre de son argumentation résumée au point 10 de la présente ordonnance, la requérante fait également valoir le fait que le Tribunal n’a pas correctement interprété la teneur d’un arrêt d’une juridiction nationale, elle vise à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 18 de la présente ordonnance, une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour le développement du droit de l’Union.

21      En second lieu, s’agissant de l’argumentation, résumée au point 12 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait à tort confirmé l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, il suffit de constater que la requérante se limite à énoncer des erreurs prétendument commises par le Tribunal, sans alléguer ni, a fortiori, démontrer en quoi ces erreurs soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi.

22      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Blue Underwriting Agency SpA supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’italien.



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